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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


lui couperait à elle-même l’herbe sous le pied. » Il est certain du moins que madame de Sévigné s’étonnait de trouver place dans son cœur pour un si vif attachement, à côté de celui qui avait toujours été si dominant. Pauline était pour elle « une personne admirable, une petite fille à manger. » Elle disait que pour le petit marquis elle sentait beaucoup d’amitié, mais que pour Pauline il fallait de la passion[1]. Pauline avait à peine six ans, que sa grand’mère admirait déjà ses lettres, trouvait un style charmant, et les faisait lire à tout le monde. Ce « joli esprit naturel, » tous ces agréments de Pauline, devant lesquels elle s’extasiait, madame de Sévigné avait grand soin d’en montrer à madame de Grignan le côté utile. « Son esprit est sa dot[2], » lui écrivait-elle dans un moment où Pauline était menacée d’être mise une seconde fois au couvent, et d’aller rejoindre à la Visitation d’Aix sa pauvre petite sœur.

Les craintes de madame de Sévigné devinrent beaucoup plus sérieuses lorsque Pauline eut quinze ans. L’envoyer alors au couvent, même sous le prétexte d’y redresser son éducation, c’était vouloir évidemment qu’elle y restât. Il fut donc nécessaire d’écrire alors à sa mère (c’était en 1688) ; « Pauline vous adore ; et au milieu de la joie de vous voir, sa soumission à vos volontés, si vous décidez qu’elle vous quitte, me fait une pitié et une peine extrême... Pour moi je jouirois de cette jolie petite société... Je lui parlerois avec amitié et avec confiance ; jamais vous ne serez embarrassée de cette enfant ; au contraire, elle pourra vous être utile. Enfin, j’en jouirois, et ne me ferois point le martyre, au milieu de tous ceux dont la vie est pleine, de m’ôter cette consolation[3]. » C’est en vérité bien la peine de se marier avec trois cent mille livres de dot, et d’être reine de Provence, pour être ainsi embarrassée de ces pauvres enfants, de ces chers présents de Dieu, que l’artisan ne regarde pas comme un fardeau et qu’il sait élever et établir. Où donc est la vraie pauvreté, la vraie misère ? Que de trésors le père et la mère de famille peuvent trouver dans leur cœur ! mais, s’ils le ferment, combien leur maison, resplendissante de luxe, devient tristement indigente ! Madame de Grignan était bien digne

  1. Lettre du 24 janvier 1680.
  2. Lettre du 15 juin 1680.
  3. Lettre du 26 octobre 1688.