peler celle de sa mère. Elle écrivait : « Dieu vous préserve
d’une si parfaite ressemblance, et d’un cœur fait comme le
mien ! » C’est-à-dire : « N’ayez pas une fille aussi charmante
que vous, et ne l’aimez pas comme je vous aime. » La moitié
au moins de ce vœu ne pouvait manquer d’être exaucée.
Cependant madame de Grignan eut bientôt peur de s’abandonner pour cette enfant à un attachement excessif. Il fallut que madame de Sévigné lui écrivît de ne pas craindre de l’aimer, de ne se pas contraindre, de laisser un peu aller son cœur et de tâter de l’amour maternel. « Il y a, lui disait-elle, de certaines philosophies qui sont en pure perte[1]. » Madame de Sévigné, qui se sentait pour cette petite fille un attrait tout particulier, peut-être par tout ce qu’on lui disait de sa ressemblance avec elle, suppliait madame de Grignan, en 1677, de ne pas venir à Paris sans la lui amener. Il lui semblait « qu’elle en serait folle. » Elle fut très-contrariée lorsqu’elle apprit que sa fille, quittant la Provence, y laisserait cette enfant de trois ans, et la mettrait au couvent de la tante d’Aubenas. Il est visible qu’elle pensait même que ce pourrait être un commencement de projet de réclusion. « Il est vrai, écrivait-elle, qu’en quittant Grignan il faut la mettre en dépôt, comme vous dites ; mais que ce ne soit donc qu’un dépôt ; et, cela étant, madame votre belle-sœur est meilleure que nos sœurs (de Sainte-Marie d’Aix) ; car elles ne rendent pas aisément[2]. »
Lorsque madame de Grignan retourna en Provence en septembre 1679, elle retira Pauline du couvent d’Aubenas. Madame de Sévigné avait certainement craint qu’elle ne l’y laissât, et que la difficulté de la doter ne décidât ce sacrifice, puisqu’elle lui écrivait : « Ah ! que vous avez bien fait de la retirer de ce couvent ! Gardez-la, ma fille, ne vous privez pas de ce plaisir ; la Providence en aura soin[3]. » Dans la même lettre elle insinuait doucement la proposition de la faire venir auprès d’elle, pour l’élever elle-même, et promettait « qu’elle serait délicieusement occupée à conserver les merveilles de cette petite. » À cela, madame de Grignan répondait qu’elle souhaiterait Pauline à sa mère si elle n’était « assurée qu’elle