entrailles qu’avec une commisération profonde. Quelques jours
après avoir appris que la pauvre enfant était en prison, elle
écrivait à madame de Grignan : « J’ai le cœur serré de ma
petite-fille[1]. » Elle ne cessa de s’enquérir si elle était bien à
Aix. Elle s’adressait quelquefois à la jeune fille elle-même pour
avoir de ses nouvelles. « La pauvre enfant ! disait-elle à sa
mère, ayez-en pitié[2]. » Triste prière à adresser à une mère, et
que madame de Sévigné était obligée de renouveler, quelques semaines après, en expliquant un peu plus pourquoi cette enfant
était si à plaindre : « Je veux pourtant penser à ma pauvre
petite d’Adhémar ; la pauvre enfant ! que je la plains d’être
jalouse ! Ayez-en pitié, ma fille, j’en suis touchée[3]. » La jalousie
est en effet touchante, quand elle est si juste, quand on se voit
rejeté de la maison paternelle et sacrifié aux autres enfants.
Au mois de mars 1680, madame de Grignan, étant à Aix, y
fit une retraite chez ces sœurs de Sainte-Marie, où était
Marie-Blanche. Y vit-elle sa fille ? Madame de Sévigné nous
en laisse douter. Il est au moins étrange qu’elle en ait douté
elle-même. « Vous ne me dites rien de la petite d’Adhémar,
ne lui avez-vous pas permis d’être dans un petit coin à vous
regarder ? La pauvre enfant ! elle étoit bien heureuse de profiter de cette retraite[4]. » Lorsque l’on crut, cette même année,
que le duc de Vendôme prendrait possession de son gouvernement, et que par conséquent madame de Grignan, devant
abandonner pour toujours la Provence, ne retournerait pas à
Aix, madame de Sévigné, qui ne voyait plus aucune raison de
laisser Marie-Blanche dans cette ville, conseilla de la placer
plutôt à Aubenas dans le Bas-Vivarais, où elle serait confiée
à sa tante Marie d’Adhémar, qui y était religieuse. « Je n’aime
pas, disait-elle à sa fille, vos baragouines d’Aix ; je mettrois la
petite avec sa tante ; elle seroit abbesse quelque jour ; cette
place est toute propre aux vocations un peu équivoques : on
accorde la gloire et les plaisirs... C’est une enfant entièrement perdue et que vous ne verrez plus... Elle se désespérera.
On a mille consolations dans une abbaye ; on peut aller avec
sa tante voir quelquefois la maison paternelle ; on va aux eaux ;
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NOTICE BIOGRAPHIQUE