Adieu, maman, j’ai mal au talon ; vous me garderez, s’il vous
plaît, depuis midi jusqu’à trois heures, et puis vogue la galère !
Voilà, ma petite sœur, comme font les gens raisonnables. »
Cette petite scène est parfaite ; elle laisse bien voir, par le contraste, ce que madame de Sévigné et sa fille ne faisaient pas, et
ce qu’elles auraient dû faire.
Plusieurs lettres de cette année 1677, où madame de Sévigné s’occupe, avec une tendre sollicitude, des enfants de madame de Grignan, de ses chers pichons, comme elle les appelait, nous offrent l’occasion de les faire connaître. Madame de Sévigné ne voulait que personne prît dans son cœur la place unique qu’elle gardait à sa fille, et se défendait vivement de ce sentiment si souvent observé chez les grand’mères, qui leur fait aimer les enfants de leurs enfants plus passionnément encore que ceux-ci. Elle répétait souvent à sa fille « qu’elle ne comprenait pas que ce degré pût jamais lui passer par-dessus la tête, et que ses entrailles n’avaient pas pris le train des tendresses d’une grand’mère. » — « Je suis à vous par-dessus tout ; vous savez combien je suis loin de la radoterie, qui fait passer violemment l’amour maternel aux petits-enfants ; le mien est demeuré tout court au premier étage, et je n’aime ce petit peuple que pour l’amour de vous. » Toutefois cet amour par réverbétation ne fut pas trop faible ni trop froid, et madame de Sévigné ne s’arrêta pas si court au premier étage, qu’elle négligeât tout à fait le second. Elle semble quelquefois, plus que madame de Grignan elle-même, la vraie mère de cette petite famille. De loin elle la surveille ; elle y démêle les inclinations et les caractères ; elle y devine les chagrins et les excès de sévérité ; elle la protège de sa sagesse et de son indulgence ; son rôle est sans cesse d’aiguillonner et d’éclairer la tendresse de la mère.
Nous n’avons encore parlé que de l’aînée de ces enfants, de MarieBlanche, née en 1670, et que madame de Sévigné avait surnommée ses petites entrailles. Madame de Grignan avait encore deux autres enfants, deux seulement, plusieurs de ses couches ayant été malheureuses. L’un était Louis-Provence, né à Lambesc le 17 novembre 1671 ; l’autre Pauline (qui fut madame de Simiane), née à Paris en 1674.
On se rappelle que Marie-Blanche avait passé les deux ou