séparée depuis peu de son mari, dont la laideur était célèbre, et
fort longtemps galante avant de devenir dévote. Les assiduités
de Sévigné auprès d’elle faisaient très—mauvais effet à la cour,
nous ne savons trop pourquoi : car on n’y était pas rigoriste ;
mais les grandes passions du pauvre baron, auxquelles on ne
croyait jamais, lui donnaient toujours du ridicule. Celle-ci malheureusement lui valut quelque chose de plus. Il trouva,
sous le dais, de cruelles mésaventures, dont madame de Sévigné et madame de Grignan ont pu, dans leur correspondance intime, parler plus librement que nous ne saurions le faire ici. Il revit enfin, au mois d’août, sa Bretagne désirée, mais dans un état de
santé qui ne donnait que trop à sa mère l’occasion de lui rendre
les soins qu’elle avait reçus de lui. Il n’alla pas cependant tout
droit aux Rochers. Il s’arrêta quelque temps à Rennes pour
y voir son ami Tonquedec, ou plutôt la fille de cet ami, la Tonquedette, dont il paraît qu’il était amoureux, en même temps
que de mademoiselle de la Coste. Madame de Sévigné, parlant
de ces deux Bretonnes, disait que son fils « était entre l’orge et
l’avoine, mais la plus mauvaise orge et la plus mauvaise avoine
qu’il pût jamais trouver. » Elle avait elle-même, un peu auparavant, vu les Tonquedec à Rennes, et elle écrivait alors à
madame de Grignan, au sujet de la Tonquedette, ces lignes
dont la sévérité dépassait certainement sa pensée ; car son fils
ne les méritait pas : « Je voudrois que vous vissiez combien il
faut peu de mérite et de beauté pour charmer mon fils ; son
goût est infâme ; c’est ce qui me fait toujours croire qu’il ne
nous aime point[1]. »
Après deux mois passés aux Rochers près de sa mère, Sévigné revint avec elle à Paris, à la fin d’octobre 1680. Sa santé, qui n’était pas devenue meilleure, avait rendu ce voyage nécessaire, et d’ailleurs madame de Sévigné voulait se préparer à recevoir sa fille, qu’elle attendait prochainement. Madame de Grignan arriva au mois de novembre, pour ne plus retourner en Provence qu’en septembre 1684. Quand elle paraît, nous ne trouvons plus guère que des pages blanches dans le journal de sa mère, et par conséquent des lacunes dans l’histoire de Sévigné. Excepté peut-être deux mots sur lui, dans une lettre du
- ↑ Lettre du 10 août 1680.