nir retrouver pour quelque temps. Au mois de juin 1675, où le
roi assiégea Huy et Limbourg, Sévigné, qui ne fut pas, d’ailleurs, commandé pour le siège de ces deux places, était en
Belgique, dans l’armée du prince de Condé. Lorsque la mort
de Turenne fit partir Condé en toute hâte pour aller se mettre
à la tête de l’armée du Rhin, le maréchal de Luxembourg
prit le commandement en chef de celle des Pays-Bas ; Sévigné
resta dans cette armée. C’est alors que madame de Sévigné
disait plaisamment que M. de Luxembourg était dans l’armée
de son fils. Le coup dont la perte de Turenne venait de frapper la France avait tout jeté dans une telle confusion, que
madame de Sévigné, qui était sur le point de se rendre en
Bretagne, désespérait de pouvoir y faire venir son fils. Elle
partit pour les Rochers, au mois de septembre, fort en peine
de lui, et tremblant que Luxembourg, « à qui les mains semblaient démanger furieusement, » ne voulût hasarder quelque
bataille. Cependant elle reçut, au commencement d’octobre, des
lettres de Sévigné qui ranimèrent son espoir de le revoir bientôt. Elle écrivit alors au maréchal de Luxembourg et à M. de
la Trousse de lui renvoyer son fils, s’ils n’avaient plus dessein
de rien faire cette année. Il obtint en effet un congé en novembre ; mais, avant d’arriver aux Rochers, il perdit, suivant
son habitude, un peu de temps en chemin. Sa mère savait qu’il
avait quitté l’armée, et non-seulement ne le voyait pas venir,
mais, depuis trois semaines, ne recevait plus de lettres de lui.
Il paraît qu’il était retenu par une jolie abbesse, « auprès de
laquelle il chantait vêpres. » Enfin le 2 décembre, comme
madame de Sévigné se promenait dans ses allées des Rochers,
elle aperçut, au bout du mail, Sévigné, qui se mit à deux
genoux. Il ne la croyait pas pouvoir aborder autrement, après
être resté « trois semaines sous terre à chanter matines
[1]. »
Madame de Sévigné n’eut pas la force de le gronder, et se
laissa embrasser mille fois. Alors recommencèrent avec lui
les lectures, les promenades et les causeries où il était toujours
de si belle humeur et si divertissant. Il était gai comme un
écolier en vacances ; la seule pensée qui lui donnât du souci,
était celle de son maudit guidonnage. Cette charge, qui était
- ↑ Lettre à madame de Grignan, 4 décembre 1675.