décembre 1671, madame de Sévigné fut de retour à Paris,
où son fils était revenu cinq mois avant elle, il n’y était
déjà plus. Elle avait espéré qu’il aurait la permission de l’y
venir voir ; et il s’était en effet mis en route pour la rejoindre. Mais il avait dû rebrousser chemin. Les gendarmes-Dauphin avaient reçu l’ordre de marcher vers Cologne, parce
qu’en vue de la guerre de Hollande, dont on faisait déjà
les préparatifs, on dirigeait de ce côté des troupes, qui s’établirent, pendant l’hiver de 1672, sur les terres de l’électeur. Le pauvre guidon, tandis que sa mère l’attendait en vain,
passa là cette rude saison. Il écrivait à sa mère qu’ils étaient
bien misérables en Allemagne, et ne savaient pas ce qu’ils y
faisaient
[1]. Ils le surent bientôt : la guerre fut déclarée à la Hollande le 6 avril 1672. Tout le monde pensait qu’elle serait terrible. Madame de Sévigné fut dans une extrême inquiétude
pour son fils, depuis qu’elle eut appris qu’il était dans l’armée
du roi, c’est-à-dire, ainsi qu’elle le disait, « à la gueule du
loup
[2]. » Elle recevait de lui, dans ce temps, des lettres dont
elle parle de manière à nous en faire vivement regretter la
perte. « Elles sont, écrivait-elle à sa fille, d’un style que si on
les trouve jamais dans ma cassette, on croira qu’elles sont du
plus honnête homme de mon temps. Je ne crois pas qu’il y ait
un air de politesse et d’agrément pareil à celui qu’il a pour
moi
[3]. »
Peu de jours après que madame de Sévigné s’était exprimée ainsi sur l’amabilité de son fils, sur son esprit et sur les marques de tendresse qu’elle recevait de lui, elle eut la nouvelle du passage du Rhin ; à chaque courrier elle apprenait la mort de quelque jeune officier, celle, par exemple, du duc de Longueville, cet ami de Charles de Sévigné, qui autrefois, portant encore le nom de comte de Saint-Paul, l’avait emmené avec lui à Candie. En vain sut-elle que Sévigné n’avait pas été commandé pour le passage du Rhin. Tant de deuils qu’elle voyait autour d’elle avaient jeté le trouble dans son imagination.