scandaleusement augmenté, et qu’on demandait jusqu’à trois millions, « elle pensa, dit-elle, battre le bonhomme Boucherat. » Les états, qui délibéraient au milieu de la terreur publique, promirent tout ; et le duc de Chaulnes proposa une députation au roi, pour l’assurer de la fidélité de la Bretagne, et
de l’obligation qu’elle lui avait d’avoir bien voulu envoyer des
troupes pour la remettre en paix[1]. Trois députés furent en effet
nommés. Les états leur devaient donner, à leur retour, deux
mille pistoles à chacun. « Nos folies de libéralité, écrivait
madame de Sévigné, sont parvenues au comble de toutes les
Petites-Maisons du monde. » Elle pensait que du moins, par
une espèce de comédie, tous les rôles avaient été arrangés, et
que la députation rapporterait infailliblement quelque grâce.
En attendant, un peu désarmé sans doute par la complaisante
prodigalité des états, le gouvernement faisait quelque trêve
aux supplices, et madame de Sévigné pouvait dire à sa fille
avec une satisfaction dont l’ironie est bien amère : « Nous ne
sommes plus si roués ; un en huit jours, seulement pour entretenir la justice. Il est vrai que la penderie me paroît maintenant un rafraîchissement. J’ai une tout autre idée de la justice
depuis que je suis en ce pays. Vos galériens me paroissent une
société d’honnêtes gens, qui se sont retirés du monde pour mener une vie douce. Nous vous en avons bien envoyé par centaines ; ceux qui sont demeurés sont plus malheureux que
ceux-là[2]. »
Les députés revinrent, mais ils ne rapportaient aucune grâce. Ils avaient eu seulement « la satisfaction que le présent avait été reçu sans chagrin. » La Bretagne était parfaitement ruinée. On songea alors, dans les états, à réformer les libéralités et les pensions. Voici comment s’exprimait à ce sujet l’amie des Chaulnes et des Lavardin : « Je parie qu’il n’en sera rien, et que, comme cela tombe sur nos amis les gouverneurs, lieutenants généraux, commissaires du roi, premiers présidents et autres, on n’aura ni la hardiesse ni