terriblement rapproché des Rochers, et que « ces démons
étaient venus piller et brûler jusqu’auprès de Fougères[1]. » Les
révoltés étaient au nombre de six ou sept mille. À Rennes, on
recommençait à piller les bureaux ; madame de Chaulnes était en
butte aux insultes, tandis que le gouverneur était à Port-Louis. Comme elle traversait la haute ville en voiture, on jeta
sur ses genoux une charogne de chat, et des coups de feu partirent, qui blessèrent ses gens. Elle-même était menacée de
mort : elle devait être mise en pièces, si les troupes que le
duc de Chaulnes avait demandées faisaient un pas dans la
province. « Il n’est cependant que trop vrai, disait madame de
Sévigné, qu’on doit envoyer des troupes, et on a raison de le
faire ; car dans l’état où sont les choses, il ne faut pas des remèdes anodins[2]. » Il était devenu nécessaire d’ajourner le
voyage. Madame de Lavardin, madame de la Troche et M. d’Harouys, qui devaient partir avec elle, ne se souciaient pas non
plus de se mettre en route. Pendant ce temps, les troupes que
madame de Sévigné croyait sage d’envoyer, avaient reçu
l’ordre de marcher. Elles se montaient à six mille hommes,
commandés par deux Provençaux, le bailli de Forbin et le marquis de Vins. M. de Chaulnes et M. de Lavardin, qui voyaient la
direction de ces forces en d’autres mains que les leurs, supportaient impatiemment de n’être plus les maîtres chez eux. De son
côté, madame de Sévigné commençait à moins goûter la répression ; elle en prévoyait les excessives rigueurs, et regrettait que
des étrangers en fussent chargés. Ils vont, écrivait-elle à sa fille,
ruiner, abîmer notre Bretagne[3]. Sa théorie des remèdes énergiques faiblissait, et le patriotisme breton reprenait ses droits.
Les méchants pourraient croire, il est vrai, que la crainte de voir
ravager ses pauvres terres était pour quelque chose dans ce patriotisme. Cependant elle était assez rassurée à ce sujet, Pomponne ayant recommandé à M. de Forbin de les épargner, en
même temps que celles qu’il possédait lui-même en Bretagne[4].
Vers la fin du mois d’août il parut à madame de Sévigné que tout se calmait, et que l’on pouvait partir sans courir trop de risques. Elle quitta Paris le 9 septembre. Arrivée à Nantes,