Philippe de Coulanges et de Marie d’Ormesson. Elle se trouvait
ainsi, par ces amitiés, comme elle l’eût été facilement, sans
cela, par son rang et par son esprit, dans la plus grande intimité avec le gouvernement même de Bretagne. M. de Chaulnes,
M. de Lavardin, M. d’Harouys et, avec eux, tous les principaux personnages des états, venaient, en grand appareil, aux
Rochers, où l’aimable dame du lieu leur donnait une brillante
hospitalité ; ou bien encore elle les recevait, avec toute la Bretagne, à la Tour de Sévigné. Il n’y avait pas chez le gouverneur de grands festins sans elle. M. de Chaulnes l’envoyait
chercher par ses gardes, disant qu’elle était nécessaire pour le
service du roi. La, au milieu de l’ivresse des bons Bretons,
qui, dans ces gigantesques repas, montraient autant d’intrépidité à boire que de cordialité, on buvait à la santé de madame
de Grignan, ou, comme ils disaient, dans leur ignorance provinciale, de madame de Carignan. D’Harouys, dont le faste
égalait celui d’un surintendant, dont la maison était le Louvre
des états, et qui donnait les plus magnifiques repas que
madame de Sévigné eût jamais vus, ne voulait pas non plus
recevoir à dîner M. et madame de Chaulnes, sans que madame
de Sévigné y fût. Madame de Chaulnes, quand elle était arrivée
en Bretagne, un peu avant l’ouverture des états, avait été fort
heureuse d’y trouver madame de Sévigné, dont la société, au
milieu de cette province, était sa seule ressource. La duchesse
venait sans cesse aux Rochers, où elle s’établissait familièrement, quelquefois pendant plusieurs jours. Elle trouvait que
c’était la ce qui faisait toute la beauté de son gouvernement.
Les femmes de ce pays paraissaient toutes fort sottes à des
personnes habituées à Paris et à la cour, et il semblait qu’il
n’y eût à Vitré que madame de Sévigné.
Celle-ci n’était pas toujours charitable pour les Bretons ; elle s’égayait sur leur rusticité, sur leurs noms baroques, sur leur ivrognerie. Elle trouvait le prochain de Bretagne plaisant, surtout après le dîner. Toutefois la loyauté des caractères et la bonté des cœurs ne lui échappaient pas, et elle écrivait à sa fille : « J’aime nos Bretons ; ils sentent un peu le vin ; mais votre fleur d’orange ne cache pas de si bons cœurs. »
La libéralité des états lui paraissait bien digne d’être enviée par la Provence. Elle en parlait d’un ton de satisfaction plai-