avec un jésuite), lui écrivait madame de Sévigné. Qu’avez-vous
à craindre ? N’ont-ils pas assez de bénéfices[1] ? » Madame de Sévigné se contraignait moins. On ne pouvait la décider à aller
chez madame de Bretonvilliers, pour plaire à l’archevêque de
Paris. Elle répondait qu’elle n’avait qu’un fils. Et cette parole
faisait trembler les Grignan[2]. Elle craignait que sa fille ne
communiât un peu trop souvent, pour la représentation extérieure. « Tous les premiers dimanches du mois, et toutes les
douze ou treize fêtes de la Vierges[3], » cela lui semblait beaucoup : elle se souvenait du livre d’Arnauld. Cependant les
fréquentes communions continuaient, et peu de temps après
avoir averti madame de Grignan, madame de Sévigné était encore obligée de lui écrire. « Il y a si peu que la Pentecôte est
passée, qu’il faut apparemment que la place que vous tenez
demande ces démonstrations ; car, sans cela, je ne vous croirois pas plus dévote que saint Louis, qui ne communioit que
cinq fois l’année[4]. » Surprendrions-nous cependant madame de
Sévigné elle-même dans ces démonstrations politiques qu’elle
désapprouvait avec tant de raison ? N’écrivait-elle pas de Livry
à sa fille : « Je me promène, j’ai des livres, j’ai l’église ; car
vous savez les bonnes apparences que j’ai[5] ? » Mais il est impossible de penser qu’elle s’accusât elle-même d’une hypocrisie que
toute sa conduite dément. Ce n’était qu’une manière badine de
reconnaître humblement tout ce qui manquait à sa dévotion.
Elle disait dans le même sens, que, malgré sa grande envie
d’être dévote, « elle n’était ni à Dieu ni au diable[6], qu’elle
était une petite dévote qui ne valait guère[7]. » Du reste, si madame de Sévigné fit toujours l’aveu de sa tiédeur, elle en exprimait son regret. Personne n’était plus éloigné qu’elle de l’irréligion. À mesure que l’âge avança, il y eut dans son langage sur
les sujets religieux quelque chose de plus sérieux et de plus
élevé. Elle portait envie à ceux à qui Dieu communiquait sa
grâce avec abondance. « Quand, disait-elle, en aurons-nous
quelque étincelle, quelque degré ? Quelle tristesse de s’en trou-
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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.