de madame de Sévigné. Nous savons notre incompétence, le
ridicule, et l’injustice inévitable d’une pareille recherche ; mais
nous avons trouvé un indice de son tour d’esprit et de son caractère ; nous n’avons pu l’omettre. Après cela, laissons la cartésienne et la port-royaliste s’épancher librement dans leurs
lettres intimes. Bonnes chrétiennes certainement toutes deux,
elles font, en babillant gentiment, de la théologie sans conséquence.
On a souvent pensé que la plus hardie des deux était la philosophe ; et on en a fait un mérite à sa force d’esprit. Nous nous rappelons, il est vrai, que Ninon lui trouvait « tout le sel de la maison, » et que dans la pensée de la moderne Léontium, ce sel ne devait pas être celui d’une sagesse tout à fait chrétienne. Cependant nous ne voyons nulle part les preuves de cette témérité philosophique. Le cartésianisme n’avait rien d’incompatibilité avec la foi. N’y avait-il pas celui de Bossuet et de Fénelon, et de tant d’autres excellents chrétiens ? Nous trouvons bien, dans une lettre de madame de Sévigné, que sa fille avait avancé cette proposition singulière, « que la mort de Jésus-Christ suffit sans le baptême[1]. » Mais c’était là sans doute une de ces petites distractions, comme il en échappait aussi, sans mauvaise intention, à madame de Sévigné sur les questions théologiques. Quant aux ménagements politiques, on aurait beaucoup plus, ce semble, à les reprocher à madame de Grignan qu’à sa mère. Celle-ci lui écrivait un jour : « Je vous admire d’être deux heures avec un jésuite sans disputer ; il faut que vous ayez une belle patience... Je vous assure que, quoique vous m’ayez souvent repoussée politiquement sur ce sujet, je n’ai jamais cru que vous fussiez d’un autre sentiment que moi, et j’étois quelquefois un peu mortifiée qu’il me fût défendu de causer avec vous sur une matière que j’aime[2]. » On était fort circonspect dans la maison de Grignan. Le coadjuteur d’Arles et l’évêque de Carcassonne craignaient beaucoup d’offenser ceux qui tenaient la feuille des bénéfices ; et madame de Grignan entrait dans les vues de leur prudence : « Vous riez trop timidement du distinguo (c’est-à-dire de la plaisante dispute de Boileau