si M. de Guitaut le rencontrait, il l’embarrasserait par ses
honnêtetés, que c’était un homme parlant la même langue que
lui, chose difficile à trouver dans les provinces, et que madame
de Guitaut avait bien de l’esprit. Elle perdit ses peines : Bussy
garda ce qu’il appelait son quant à soi, et ne se rendit pas,
comme il avait fait dans l’affaire de la lettre au comte de Grignan. Il répondait qu’entre lui et son ancien cornette, quoique
chevalier des deux ordres du roi et cordon bleu, il y avait
toujours la même distance qu’autrefois ; « qu’il connaissait son
mérite, mais n’en était pas aveuglé comme lui. » Bussy avait-il
en effet le droit de se croire, malgré le fief dominant du seigneur d’Époisses, au-dessus de lui par « sa naissance et ses
grands emplois ? » Nous n’en déciderons pas. Il est probable
que, fondées ou non, ses prétentions hautaines étaient rendues
plus intraitables par la rancune qu’il avait conservée contre le
favori du prince de Condé, quoique le comte de Guitaut eût
vu depuis à sa faveur auprès du prince succéder la disgrâce.
Madame de Sévigné, qui n’était pas obligée de s’associer aux haines de son cousin, continua de cultiver une amitié qui lui était agréable pour le commerce de l’esprit, et qui lui fut souvent utile pour ses affaires. Le voisinage, à Paris, l’avait depuis longtemps liée avec les Guitaut. Quand elle allait à Bourbilly, la proximité d’Époisses lui donnait naturellement l’occasion de les aller voir. Elle y recevait une très-aimable et très-riche hospitalité. « Cette maison, écrivait-elle à sa fille, est d’une grandeur et d’une beauté surprenantes[1] » Elle était charmée d’y trouver la comtesse de Fiesque, dont la gaieté et les folies l’amusaient, et qui était là un peu comme chez elle, ayant été autrefois particulièrement amie de M. de Guitaut. Il faut croire que le comte avait bien de l’esprit, à en juger par le plaisir que madame de Sévigné disait avoir à l’écouter. Ce que nous avons, du reste, des lettres qu’elle lui a écrites, indique un commerce réglé, et prouve qu’il était un de ceux avec qui elle aimait le mieux à s’entretenir librement sur toute sorte de sujets. Quand le comte de Guitaut était aux îles Sainte-Marguerite, en qualité de gouverneur, et madame de Sévigné à Paris, la distance n’empêchait point que la correspondance ne continuât entre
- ↑ Lettre du 25 octobre 1673.