pendant, ne recevait pas toujours sa récompense. Vardes quelquefois l’accablait de caresses et de protestations d’amitié ; il
lui donnait une pension de douze cents livres : d’autres fois il
le haïssait et le maltraitait. Dans sa dernière maladie, Corbinelli lui avait prodigué ses soins ; mais il se trouva que Vardes
l’avait rayé de son testament, ne voulant rien laisser à un
homme qui, depuis quelque temps, disait-il, se moquait de lui.
À l’époque où madame de Sévigné rencontra Corbinelli en Provence, il était plongé dans la philosophie de Descartes, « sans laquelle, disait-il, on seroit mort d’ennui dans cette province. » Plus tard il s’enfonça dans l’étude des mystiques. « De philosophe devenu athée, dit la Beaumelle[1], d’athée chrétien, de chrétien quiétiste, il présidoit chez madame le Maigre, où les beaux esprits mystiques s’assembloient pour faire des romans de religion. » Il semble que la curiosité surtout l’avait jeté dans ces raffinements de spiritualité. Sa dévotion paraît du moins avoir été toute spéculative, et comme elle ne semblait pas beaucoup le conduire à la pratique, ni même à l’orthodoxie, madame de Grignan l’avait plaisamment appelé le mystique du diable. Mais madame de Sévigné prenait sa défense avec vivacité. Elle espérait que sa philosophie christianisée le mènerait enfin à bon port, et qu’à force de se jouer avec la glu, il s’y prendrait.
La vie studieuse de Corbinelli s’était passée dans la pauvreté. Le cardinal de Retz, qui l’aimait et le reconnaissait d’ailleurs pour son allié, lui vint en aide un moment ; mais sa mauvaise étoile, disait madame de Sévigné, « a fait mourir son Éminence, quand elle commençoit à lui donner une pension de deux mille livres. » Corbinelli mourut en 1716, âgé, dit-on, de plus de cent ans.
Un personnage, qui était aussi une ancienne connaissance, nous ne pourrions dire comme de Corbinelli, un des anciens amis de Bussy, doit encore être compté parmi ceux qui furent en relation très-amicale et en correspondance assez suivie avec madame de Sévigné. Nous voulons parler du comte de Guitaut. Il descendait d’une ancienne et noble famille. Fort jeune encore, il s’était attaché au prince de Condé. En 1652, il fut
- ↑ Mémoires de madame de Maintenon, tome III, p. 102. (In-18, Hambourg, 1756.)