celle sur le mariage de Mademoiselle et de Lauzun, et cette
jolie histoire de Picard qui n’a pas voulu faner, célèbre dans la
société de madame de Sévigné sous le nom de Lettre de la
prairie, et « le modèle (elle en jugeait elle-même ainsi) des
narrations agréables. » On ne jette pas de telles perles à ceux
qui ne sont pas faits pour en sentir le prix. En perdant le plus
grand nombre des lettres que madame de Sévigné lui a écrites,
on en a probablement perdu beaucoup qui seraient comptées
parmi ses plus délicieuses. Celle du cheval, que madame de
Thianges envoyait chercher chez lui, en même temps que
celle de la prairie, lui était sans doute aussi adressée.
Madame de Sévigné n’avait pas seulement beaucoup de goût pour son esprit amusant. Élevée avec lui, elle avait pour lui une tendresse fraternelle : « Je l’aime, disait-elle, comme ma vie[1]. » Coulanges n’était pas ingrat ; il était en adoration devant celle qu’il appelait la mère-beauté.
La jolie madame de Coulanges était digne, par sa gaieté et par la légèreté de son caractère, d’être la femme du jovial Coulanges. Pour de l’esprit, elle en avait plus encore que lui. L’assortiment était parfait, trop parfait même pour que leur mariage ait jamais été une solide et sérieuse union. « La feuille écrivait madame de Sévigné, qui la désignait par ce surnom, quelquefois par celui de mouche ou de sylphide, la feuille est la plus frivole et la plus légère marchandise que vous ayez jamais vue. » Saint-Simon dit qu’elle fut toujours sage. Si l’on ne se mettait en garde contre la facilité à juger sur des apparences de légèreté, on croirait qu’il a, contre son habitude, été indulgent, ou plutôt qu’il s’est montré là tel qu’il dit avoir toujours été, très-réservé sur les dames et sur les galanteries qui n’avaient pas une grande importance pour la vérité de l’histoire. Il semble que l’abbé Têtu, la Trousse et Brancas auraient pu donner de l’ombrage au petit Coulanges, s’il n’avait été le plus tolérant des maris. Mais madame de Sévigné fait très-bien remarquer qu’il n’incommodait pas sa femme. Pendant une grande maladie qu’elle fit (elle n’était plus jeune, il est vrai), il écrivait : « Qui en mourra ? C’est l’abbé Têtu ; » et le voyant installé chez lui comme un maître, il trouvait son pro-
- ↑ Lettre à madame de Grignan, 3 juillet 1672.