ville sur le poing de l’évêque. Mais à Lambesc il avait refusé
de lui complaire dans la petite affaire du courrier. Elle était
animée de toute la passion de madame de Grignan, ou tâchait
de l’être. Le crime de l’évêque lui semblait énorme, et toutes
ses politesses de la fausseté. Elle se plaignait très-vivement de
lui dans les lettres qu’elle envoyait à Paris, et elle écrivait à
sa fille qu’elle avait fait voir à l’évêque « toute l’horreur de
son procédé. » Nous pensons qu’elle fut plus aimable qu’elle
ne le dit. Tant d’égards et de courtoisie ne pouvaient la laisser
insensible. Quand telle ne suivait que son propre penchant,
elle était la plus indulgente, et comme le dit madame de la
Fayette, « la plus civile et la plus obligeante personne qui ait
jamais été. » La haine, si elle y prétendait quelquefois, ne fut
jamais chez elle qu’une complaisance pour les rancunes des
autres et l’égarement de l’amitié.
On regrette que cet égarement ait été jusqu’à lui faire traiter injurieusement, dans quelques-unes de ses lettres, un homme aussi digne de respect que l’évêque de Marseille. Lui donner le sobriquet de la Grêle est déjà fâcheux. Les Fourbins et les Fourbineries, qu’on trouve dans sa correspondance avec le comte de Guitaut[1], sont des jeux de mots aussi cruels qu’injustes, qu’il est plus déplorable encore de rencontrer sous cette plume charmante. Qu’elle se connaissait bien elle-même, quand elle disait à sa fille : « Vous savez quelle inclination j’ai eue toute ma vie pour vous : tout ce qui peut m’avoir rendue haïssable venoit de ce fonds. » Elle raconte quelque part que l’absolution lui fut refusée « par un très-habile homme, » à cause de sa haine pour l’évêque de Marseille. Il lui arriva aussi, une autre fois, qu’on ne lui permit pas de faire ses dévotions à la Pentecôte, parce que son cœur était trop uniquement occupé de sa fille. À le bien prendre, c’était, dans les deux cas, le même péché ; mais il nous semble plus digne d’absolution, quand elle le commettait sous sa forme la plus aimable.
Des inimitiés qu’on entretenait si soigneusement devaient
- ↑ Il est vrai qu’elle faisait plus particulièrement allusion à l’évêque de Toulon, Forbin d’Oppède, que M. de Grignan trouva aussi sur son chemin, quand il eût été délivré de l’évêque de Marseille. Mais celui-ci n’a pas moins sa part, comme les Forbin, dans le sanglant jeu de mots.