que les pères elles risquent d’y perdre quelque chose de la dignité de leur caractère, tant une indulgente tendresse leur est
naturelle ! et elles conservent ainsi la liberté de donner de bons
conseils. C’est ce que madame de Sévigné ne manquait pas de
faire. Mais il faut avouer que dans ce rôle, qui doit moins être
celui de confidente que de confesseur, elle n’avait pas toujours
toute la gravité désirable. On peut s’étonner surtout qu’elle fasse
à sa fille le récit très-circonstancié des fredaines du jeune frater,
et qu’elle ne lui épargne aucune des gaietés les plus vives du
sujet. Il y a des passages de cette nouvelle édition, où le texte
exactement rétabli révèle dans ces lettres dont les folies de Sévigné sont le sujet, une hardiesse de langage qu’on n’avait pas
encore soupçonnée. Mais telle était cette femme d’une vie cependant si irréprochable ; telles étaient les libertés de sa plume.
Telles étaient aussi les mœurs du temps, que la préciosité de
l’hôtel de Rambouillet n’avait pas en vérité fait tomber dans une
pruderie trop rébarbative. Et quand il nous paraît, dans nos
habitudes bourgeoises d’aujourd’hui, que le sel de Molière est
parfois un peu fort, quand nous avons peine à souffrir ce
Georges Dandin que mademoiselle de Sévigné, sans trop d’embarras apparemment, voyait représenter à Versailles, rappelons-nous ces lettres de madame de Sévigné ; et, si nous n’approuvons pas toutes les hardiesses du poëte comique, nous
cesserons du moins de nous en étonner.
Les états de Bretagne devant, en 1671, s’assembler à Vitré, dans le voisinage des Rochers, madame de Sévigné ne put se dispenser d’aller assister aux magnificences provinciales dont la tenue des états était toujours le signal. Être encore plus loin de sa fille, recevoir ses lettres plus tard encore, était pour elle un redoublement de chagrin. Son fils, en attendant qu’il eût des nouvelles certaines du camp que l’on devait faire en Lorraine, et où il se croyait sur le point d’être appelé par son devoir, prit le parti de suivre sa mère en Bretagne, pour l’aider à s’y distraire. Elle était fort heureuse de l’emmener, pour lui faire rompre « ses vilaines chaînes. » Sa société d’ailleurs était charmante pour elle. Personne en effet ne savait mieux la désennuyer, et n’y mettait plus de zèle. Il entretenait la gaieté aux Rochers. Sa mère l’appelait « un trésor de folie. » On laissait de côté les lectures graves, que madame de