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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


ment de repos pendant ce voyage, j’en vois tous les périls, j’en suis morte. » N’eût-elle pas été aussi bonne mère qu’elle était, il aurait été difficile de ne pas aimer ce fils. C’était de ses deux enfants celui qui lui ressemblait le plus par le caractère. Il avait la même bonté, la même facilité d’humeur, un mélange de candeur et de finesse, un enjouement et un agrément dans l’esprit qui la rappelaient, d’un peu loin sans doute, mais avec des traits de famille très-frappants toutefois. La faiblesse même de son âme, non pas efféminée (il avait beaucoup de courage), mais un peu féminine dans sa délicatesse, cette mobilité et cette complaisance qui le faisaient être « tout ce qu’il plaisait aux autres[1], » madame de Sévigné ne devait-elle pas s’avouer quelquefois à elle-même qu’il en avait peut-être hérité d’elle ? Ne s’accommodait-elle pas, elle aussi, à l’humeur de chacun ? Un excellent juge l’a finement dit : « Il était dans sa nature vive et prompte de se mettre à l’unisson de ceux qui l’entretenaient. Elle est frivole avec Coulanges ; elle eût été assez gaillarde avec Ninon, austère avec Pascal, sublime avec Bossuet ; avec Bussy sa malice excitée n’épargne personne[2]. »

Saint-Simon, qui voyait si bien, même ce qu’il voyait en courant, et qui, dans la galerie infinie de ses portraits, ne rencontrait point une physionomie sans la peindre au vif, a touché quelque chose de cette ressemblance entre la mère et le fils. Il est peut-être un peu sévère en disant que Sévigné était « moins un homme d’esprit que d’après un esprit[3]. » Mais après tout, c’est quelque chose que d’être d’après un si parfait modèle, et de le faire reconnaître, quoique dans une copie un peu pâle. Il ajoute que « du naturel charmant et abondant de sa mère et du précieux guindé et pointu de sa sœur, il avoit fait un mélange un peu gauche. » Soit ! quoique dans les lettres que nous avons de Sévigné le côté précieux nous échappe. Avoir hérité sa petite part de cette charmante abondance, s’y mêlât-il quelque gaucherie, c’est n’être pas si mal partagé déjà. Et quand Saint-Simon dit de plus : « C’étoit

  1. Lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, 22 avril 1671.
  2. M. Cousin, dans le Journal des Savants (janvier 1852), et dans Madame de Sablé (première édition), p. 423.
  3. Mémoires, tome X, p. 363.