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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


ser ? Rien d’offensant pour la gloire de madame de Sévigné ; mais seulement ceci, qu’elle avait l’imagination bien vive, le cœur bien sensible, et que, s’il y a eu un moment où elle a laissé voir pour Fouquet quelque chose de plus que de l’amitié, c’est quand, dépouillé de sa puissance et de sa richesse, il n’eut plus de séduisant que son infortune.

Nous avons un peu longuement parlé des amoureux de madame de Sévigné, des dangers dont son jeune veuvage fut entouré, et de sa résistance toujours victorieuse. Ce n’a pas été parce qu’un tel sujet amuse généralement la curiosité. Il y avait ici un intérêt plus sérieux. Madame de Sévigné a été mère avant tout, l’amour a réellement tenu peu de place dans sa vie ; mais la période de cette vie que nous venons de traverser est une des explications de cette affection passionnée pour sa fille, qui étonne quelquefois par sa ressemblance frappante avec un autre sentiment. Si madame de Sévigné eût cédé à l’amour, ou si elle eût été incapable de le sentir, son cœur n’eût pas éprouvé au même degré le besoin de répandre tous les trésors, toutes les épargnés de sa tendresse. Elle n’avait point trouvé (ce ne fut pas sa faute) l’amour dans le mariage ; elle ne voulut pas le chercher ailleurs. Mais les dons de Dieu ne se perdent pas. Quand l’épanouissement des sentiments naturels est contrarié, ils ne se replient pendant un temps sur eux-mêmes, que pour éclater un peu plus tard, souvent en se transformant. Bussy a voulu rendre raison de la vertu de madame de Sévigné en l’attribuant à la froideur[1] ; et c’était également, s’il faut l’en croire, l’opinion de M. de Sévigné. Telle est l’explication favorite des hommes grossiers. Elle n’est pas toujours aussi vraie qu’ils le croient. Madame de Sévigné avait un esprit ardent et un cœur très-tendre. Il est certain qu’elle a été plusieurs fois bien près d’aimer. Mais elle avait de la sagesse et de l’honnêteté ; et en outre ses enfants la gardaient des entraînements. Elle fut jalouse d’elle-même pour eux, et leur conserva sa tendresse tout entière. Ce furent eux qui, dans ses combats, la soutinrent et la sauvèrent. Elle-même l’a bien dit, laissant voir qu’elle avait lutté et par quelle force elle avait triomphé. Elle parlait à madame de Grignan de cette bonne prin-

  1. Histoire amoureuse des Gaules, tome II des Mémoires, p. 426.