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NOTES D’UNE FRONDEUSE

ici, se place un épisode si drôle que, même en présence de la conclusion sinistre, je ne saurais l’évoquer sans sourire.

Les grévistes, ou pour mieux dire les chômeurs, opéraient vers la rue Saint-Honoré ; démolissant les enseignes ; décrochant les écussons ; envoyant faire lanlaire la comptabilité de MM. les intermédiaires. J’habitais, à ce moment-là, rue Montmartre, dans l’immeuble de la France.

Tout à coup, un brouhaha, des clameurs, l’écho d’une poursuite effrénée… Je me précipite au balcon, et dans le lointain, vers Saint-Eustache, j’aperçois, dévalant par ici, un être bizarre : une espèce de tortue galopant aussi vite qu’un lièvre, et suivie de toute une meute d’agents.

Ça gagne du terrain, ça se rapproche, ça rompt la piste par un brusque crochet dans un ruban de voitures — et je reconnais quoi ? Soudey, s’engouffrant dans la maison avec des cris d’Apache, et, sur le dos, une sorte de bouclier de croisé partant pour la Terre-Sainte.

Je comprends qu’il vient, je me précipite à la porte, j’ouvre… et Soudey s’abat littéralement sur une chaise, les yeux hors de la tête, essoufflé, haletant, ruisselant !

Je le laisse, je vais à la fenêtre pour inspecter les alentours ; j’écoute dans l’escalier. Rien, personne, la trace est perdue ! Alors je reviens vers mon bonhomme un peu épongé, un peu calmé. Mais avant que je lui aie adressé la parole :

— Citoyenne, c’est à l’effet de vous faire un petit cadeau, en souvenir de nous !

Et il me tend sa carapace : le tableau d’un bureau de placement très connu ! Il apportait cela comme un