la taille de l’ennemi. C’est grandir sa cause, comprenez-le, que montrer quels assaillants elle suscita.
Jules Ferry eut du talent, de l’audace, fut l’une des dernières et suprêmes incarnations de ce fossile survivant : l’homme d’État. Jadis, sous une monarchie, il eût peut-être été le ministre dont le nom emplit un règne ; voire un siècle. Présentement, il n’arriva qu’à émerger du marais politicien ; très détesté ; très combattu — allant presque isolé, dans l’aversion générale. Le pourquoi de cette hostilité ? Je dédaigne, si vous le voulez bien, les trop faciles plaisanteries sur son aspect physique. Il fut laid ; mais Danton aussi était laid ; et aussi Mirabeau, adorés des foules ! Non ; mais il fut l’incarnation d’un régime aboli dans la faveur populaire ; exécré des simples ; maudit des croyants ! Son visage suait son âme… et il marcha dans la solitude douloureuse dont parle l’Écriture !
Je n’ai point, on le sait, l’habitude d’insulter aux deuils ; et ma plume serait autrement cruelle si quelques douleurs sincères, intimes, ne dressaient leur frêle égide devant ce cadavre. Mais, je vous le jure, il était bon que ces choses fussent dites, et d’établir que la mort — involontaire — ne dispense point du jugement ultime qui se montra impitoyable aux faibles et aux fervents.
« Un intègre ! » proclament ses suivants. Je le crois volontiers ; et qu’il se contenta de permettre la fortune de ses proches sans s’attarder, lui, à semblables misères. C’était un dominateur ; un assoiffé de pouvoir ; un possédé d’autoritarisme. Commander, gouverner, triturer, entre ses puissantes mains, les destinées de sa race : telle fut la hantise qui l’obséda jusqu’à la tombe. Envers ceci, rien ne compta, pour lui ; il pataugea dans le sang, dans le mensonge, dans l’intrigue,