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axiome. Eh bien ! mon ami, l’axiome s’applique à la poésie, comme à la procédure, comme à la politique, comme à toutes les choses de ce monde en relief. Créons-nous un système propre de versification, un système à part, un système à nous. Après cela, parlons tout bonnement le français de Belgique ; mêlons-y sans façon, comme la Grèce a fait ses dialectes, quelques-unes de ces expressions si heureuses dont nos patois fourmillent ; et, séparés par la forme de l’Hélicon français, nous le serons bientôt par le fond ; notre poésie prendra son caractère ; nous ne lirons plus les vers de Hugo que comme les vers allemands ; des ailes vont nous pousser, des cornes peut-être, des poils, enfin je ne sais quoi. Mais nous aurons du moins notre moi poétique, comme nous avons enfin notre moi politique ». (Voyage et aventures de M. Alfred Nicolas, tome I, chap. IX.)

Weustenraad consentait à discuter les théories de Grandgagnage relatives à la versification : mais il repoussait son régionalisme linguistique : « La langue française, lui objectait-il, a été centralisée, c’est Paris qui fait la loi, le français est la loi de Paris… Paris est non seulement la capitale de la France, c’est encore la capitale de la langue française. » L’expression est bizarre, mais l’idée est juste.

En maint endroit, le poète déplore la proverbiale « indifférence du public belge en matière littéraire », que P.-F. Claes avait déjà dénoncée, cinq ans plus tôt,