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au pauvre homme ; possédé d’une idée fixe, il va par monts et par vaux en quête de scènes macabres ou horribles, d’inspirations romantiques. Le serviteur partage la folie de son maître, qu’il exagère. Cette histoire donne lieu à des parodies assez grossières dans leur truculence, mais souvent amusantes, de la littérature frénétique en vogue à Paris vers 1834. L’Alfred Nicolas de Grandgagnage est plus divertissant, à tout prendre, que maint ouvrage similaire, l’Ane mort et la femme guillotinée, de Janin, par exemple.

Seulement, si Justin *** combat « l’horrible dévergondage de la littérature nouvelle », ce n’est pas tant par délicatesse de goût (car son goût n’est guère délicat), que par patriotisme. Il veut détourner les jeunes Belges de l’imitation des auteurs français quels qu’ils soient, classiques ou romantiques.

Weustenraad se refusait à suivre jusqu’au bout, dans ce nationalisme littéraire, son excellent ami Grandgagnage. Non seulement celui-ci voulait que le littérateur belge se gardât de l’imitation française et cherchât en Belgique ses motifs d’inspiration, mais encore il accordait aux poètes belges certaines libertés de versification (hiatus, élision, etc) qui tendaient à les faire « versifier pour l’oreille et non pour l’œil », et il allait jusqu’à recommander à nos écrivains l’usage d’une langue spéciale, d’un français plus libre et plus naïf, abondamment relevé de wallonismes : « La forme emporte le fond ; c’est un vieil