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mations sont multiples et singulièrement énergiques : « Nous voulons affranchir notre pays, dit-il, des tributs humiliants que lui impose la France ». Et ailleurs : « Il faut surtout renoncer a cette idée que la France seule peut et doit nous servir de guide ».

L’influence de la littérature française, à cette époque, lui semblait particulièrement à craindre. Cette littérature traversait, en effet, la crise du romantisme frénétique et dévergondé, contre lequel d’excellents esprits, en France même, commençaient à protester. « Afin de prémunir nos jeunes écrivains, disait-il, contre les dangers d’un servilisme propre à dénaturer le type national, nous cherchons à hâter la réaction qui se manifeste, au profit de la morale et de la raison, contre cette littérature honteuse, qui exploite, dans un intérêt purement matériel, les plus ignobles passions de l’époque ». Cette phrase ne se recommande pas par son atticisme, et elle semble témoigner d’un goût un peu timide. Les mots de « raison » et de « bon sens », à cette époque, se rencontrent plus souvent qu’il n’est légitime dans les manifestes de notre jeunesse littéraire. Peut être aussi Weustenraad oppose-t-il avec une excessive insistance la « gravité » belge à la « légèreté » française. « Le caractère national est essentiellement grave, dit-il. Ne disputons pas à ces messieurs le privilège de ce babil spirituel et élégant dont eux seuls possèdent le secret. Ce ton ne nous va guère : notre génie et nos mœurs y répu-