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L’art lui-même est déchu de sa sainte nature.
Noir fantôme des nuits, à l’œil sombre et hagard,
Un lambeau de linceul compose sa parure,
Et le sang, sur sa joue, a remplacé le fard,
Et de son gosier sourd, rongé par des ulcères,
Ne s’échappent au loin que d’horribles serments,
Toujours entrecoupés de baisers adultères
Ou de funèbres hurlements.

Le théâtre surtout, qui, dans les temps antiques,
D’un échafaud sublime empruntant la terreur,
Montrait à tous le vice, au nom des mœurs publiques,
Flagellé par le bras d’un poète vengeur,
N’offre plus, de nos jours, que le hideux spectacle
Du triomvhe impuni de viles passions
Qui, dans leur choc aveugle, écrasent sans obstacle
La morale expirante au cœur des nations.

Tous ces poèmes ont surtout le tort grave de manquer d’originalité. Il n’y a pas de raison appréciable pour qu’ils soient l’œuvre d’un Belge plutôt que d’un Français. (A moins qu’on ne veuille voir dans cette répugnance du poète pour les excès romantiques un effet du bon sens et de la modération belges. Peut-être aussi le style est-il plus belge que français…) On ne se douterait guère, à les lire, des circonstances politiques dans lesquelles ils furent écrits, circonstances passablement dramatiques pourtant, et dignes d’inspirer un poète.

Par contre, nous trouverons les prémices d’une veine nouvelle et originale dans trois pièces écrites pendant la même période, et qui sont d’inspiration