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c’est le poète et non le publiciste qui nous intéresse en Weustenraad.

Il semble que le poète ait d’abord traversé une crise. Diverses influences se le disputent. Il tâtonne et se cherche. Nous le voyons hésiter entre l’élégie lamartinienne, (Solitude, 1833,) et la satire sociale, (Mœurs, 1833, l’Honnête homme, 1835). La déclamation alterne chez lui avec une netteté incisive ou même avec une mélancolique douceur. Ces pièces sont intéressantes mais peu personnelles, et elles déconcertent à force de variété. Elles ont cependant un caractère commun, qui est leur pessimisme ; un pessimisme un peu forcé et où il entre beaucoup de littérature. Quetelet va jusqu’à mettre en doute la sincérité de Weustenraad dans les œuvres de cette période : « Ses pièces, dit-il, portent l’empreinte d’une misanthropie qui ne se trouvait point dans le cœur du poète et qui n’était que l’œuvre de sa plume ».

Weustenraad dit beaucoup de mal de son temps. Il dénonce le pharisaïsme de ces bourgeois qui réprouvent chez les humbles une corruption dont ils sont eux-mêmes secrètement infectés (Mœurs, l’Honnête homme). Comme un romantique de la première heure, il se lamente sur les progrès de l’incrédulité et regrette la foi de ses jeunes années (Regrets) :

Et je dis : ouvrez-vous, livres saints de nos pères,
Exhalez sur mon front, aride avant le temps,
L’énergique parfum des croyances austères
Dont s’embaumaient jadis les jours de mon printemps !