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médiocres qu’ils sont souvent dans le détail, sont solidements construits : ils sont l’œuvre de la volonté et de la réflexion, au moins autant que le fruit de l’inspiration. Et on peut les relire, car ils sont drus et chargés de sens.

J’ajouterai que Weustenraad, médiocre rimeur, est un assez bon versificateur. À maintes reprises, il a su manier avec une véritable habileté d’amples strophes de six, huit ou neuf alexandrins ; et il a su deux ou trois fois animer d’un grand souffle, d’un large et puissant mouvement, des séries entières de ces majestueuses strophes. Certaines tirades de l’Avenir et du Remorqueur, très défectueuses dans le détail, sont, si l’on envisage l’ensemble, l’œuvre d’un fier poète lyrique.

Ces sérieuses qualités n’ont pas sauvé de l’oubli les poésies de Weustenraad. C’est qu’elles avaient dû leur succès, d’ailleurs disproportionné, aux circonstances politiques beaucoup plus qu’à leur valeur intrinsèque ; c’est qu’une génération positive et prosaïque succéda, vers 1850, à la génération idéaliste qui avait acclamé le Remorqueur ; c’est, sans doute aussi, que la forme de ces poésies avait vieilli. Combien d’œuvres romantiques, françaises autant que belges, sont aujourd’hui rentrées dans l’ombre !… Quoi qu’il en soit, il m’a semblé que l’histoire de Weustenraad, presque populaire d’abord, puis profondément oublié, pouvait être, pour beaucoup d’entre nous, une