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peine à s’imaginer que Weustenraad ait regardé la nomination de ce dernier avec les mêmes yeux que « s’il n’y avait été intéressé en rien », et on se persuadera qu’il fut pour une part dans la campagne que la presse conduisait contre son heureux rival. »

Ce sont là de simples présomptions. Weustenraad avait été, dit M. Grojean, le rédacteur en chef du journal la Tribune, un des plus acharnés agresseurs de Sainte-Beuve. Il l’avait été, mais il ne l’était plus. Au contraire, en 1848, il collaborait précisément à l’Indépendance, « journal officieux du ministère, dit M. Grojean, qui était à peu près seul à le défendre. » À une présomption défavorable on pourrait opposer une présomption favorable… Mais Weustenraad se défend, dans une lettre à Charles Rogier, d’avoir rien publié contre Sainte-Beuve et le ministre, et sa sincérité est si bien attestée par les contemporains, que nous pouvons, à mon avis, le croire sur parole. Par contre, M. Grojean suspecte à juste titre les affirmations du Journal de Liège et d’Adolphe Quetelet relatives au noble « désintéressement » du poète. À priori elles sont trop flatteuses pour ne pas inspirer quelque méfiance. Et je suis en mesure de prouver par des documents inédits que Weustenraad, loin d’envisager la nomination de Sainte-Beuve « comme s’il n’y avait été intéressé en rien, » en conçut un vif dépit, qui s’exhala dans des conversations, sinon dans des articles de journaux. C’est ce qui résulte de la lettre