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Comment résister à ces éloquentes et flatteuses instances ? Weustenraad se laissa convaincre et resta sur la brèche jusqu’au jour où triomphèrent ses amis.

On voudrait qu’ils eussent parfois laissé respirer l’auteur du Remorqueur et de la Charité. Mais Lebeau semble ne voir en Weustenraad qu’un publiciste, un publiciste de grand talent ; Rogier seul, plus lettré, se souvient parfois que son ami est quelque chose de mieux qu’un publiciste, c’est-à-dire un poète. Il existe de cet homme d’état un fragment de lettre, malheureusement sans date, où il se répand en plaintes amères sur son pays et son temps : « La situation empire de jour en jour, dit-il, tout s’abaisse et s’avilit : l’hypocrisie et l’intrigue règnent et gouvernent ; plus d’hommes, plus de dévouements, plus de ressorts généreux. Qu’une belle satire à la Juvénal viendrait à propos ! Je voudrais te voir armé du fouet vengeur ! Le moral du pays a besoin d’être remonté ; et la morale outragée appelle un cœur vertueux qui la défende. Je n’ai pas à te souhaiter l’indignation inspiratrice. Qu’une bonne satire sans déclamation et sans petites personnalités serait une bonne action !… »

Weustenraad répondit-il au vibrant appel de son ami ? L’écrivit-il, cette satire vengeresse que Rogier réclamait de lui ? Et, à supposer qu’il l’ait écrite, la publia-t-il ? Il n’y a rien dans ses dernières Poésies lyriques qui y ressemble positivement, si l’on excepte certaines strophes du poème À la statue de la patrie,