Page:Séverin - Théodore Weustenraad, poète belge, 1914.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En 1844, il est à bout et parle de renoncer à la politique. Aussitôt Rogier et Lebeau s’alarment, le supplient de n’en rien faire, lui proposent d’échanger la direction de la Tribune contre celle de l’Observateur, journal bruxellois qu’on vient de réorganiser.

Lebeau est particulièrement pressant : « La politique, déclare-t-il, est l’affaire, la passion des intelligences et des âmes d’élite. On peut la bouder, mais c’est comme un amant sa maîtresse, comme un buveur le vin… » Il lui vante « la vivifiante atmosphère des luttes politiques… Il faut en préférer les chances, toutes meurtrières qu’elles puissent devenir, au calme plat, à l’endormant farniente d’une vie aisée mais dépourvue de toute agitation, de tout intérêt ». Il va plus loin et dénie au journaliste las et dégoûté le droit d’abandonner la lutte : « Je ne vous parle pas seulement de vos goûts, de vos convenances, de vos vrais intérêts, liés au succès de notre cause, je vous parle de vos devoirs. Quiconque est belge, citoyen de ce jeune et beau pays auquel un si brillant avenir peut être réservé, a le devoir de se consacrer à l’œuvre de sa civilisation, quelque lourde, quelque pénible que puisse devenir parfois cette œuvre. Ce n’est pas la tâche d’un jour de fonder une nationalité ; il y faut le dévouement, la persévérance, l’énergie d’une génération au moins. Ne soyez pas le déserteur d’une cause que vous avez si courageusement servie jusqu’ici, vous en auriez un jour des remords bien cuisants ».