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Il restait donc attaché au sol natal, s’abandonnait à ses vagues rêveries et laissait son imagination seule errer librement dans l’irréel et l’inconnu. Mais ces rêveries, détail caractéristique, étaient encore des rêveries humanitaires, comme il convenait à un futur saint-simonien : elles avaient pour objet la transformation du globe, le bonheur de l’humanité.

Heureux jours que ces jours, sitôt enfuis, de la jeunesse !

On n’en connaît le prix que lorsqu’ils sont perdus…

Nous ne pouvons malheureusement les faire renaître, mais il y a une mélancolique douceur à les revivre en esprit. Et le poète conduit la Muse aux lieux qui virent son enfance. Il y fait surgir pour elle tous les fantômes d’autrefois, les uns joyeux et espiègles, les autres graves et pensifs. L’amour, je l’ai dit, est absent de l’œuvre de Weustenraad. Le poète évoque pourtant ici une douce figure virginale, qui, à peine profilée, n’en est que plus charmante :

D’autres, vêtus de deuil, te conduiront peut-être
Sous un saule, où, de loin, tu verras apparaître
Une ombre aux traits divins qui fut presque ta sœur…

Ce dernier vers, d’une grâce surprenante, ferait honneur aux meilleurs poètes.

Avec la Muse, il retournera s’abreuver « aux sources éternelles de ses jeunes amours », entendez par là