Page:Séverin - Théodore Weustenraad, poète belge, 1914.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il connaissait, plusieurs de ses poèmes l’attestent, l’ivresse que nous procurent la nature, la religion et l’art, ivresse qui, dit-il, nous trouble parfois jusqu’aux pleurs, comme si, dans ces moments bienheureux, nous nous ressouvenions soudain d’une patrie perdue. Ce thème lamartinien lui a inspiré la petite pièce intitulée Rêverie (1840) :

L’homme, errant ou captif, n’est-il donc sur la terre
Qu’un sublime exilé du céleste séjour ?…

Une œuvre tout à fait remarquable est la longue pièce que Weustenraad, un peu dédaigneusement semble-t-il, intitula Fantaisie (1843). Ces strophes semblent l’inspiration d’une heure de découragement. Le poète, las de poursuivre en vain une chimère politique ou sociale, y feint de se retirer avec la Muse vers les « chastes solitudes » qui abritèrent sa jeunesse. C’est là qu’il est venu souvent

Interroger les voix de la grande nature

xxxxxPleine de saints accords ;
Rêver, en contemplant, à travers le feuillage,
Au bruit vague et lointain des cloches d’un couvent,
Le vol mystérieux d’un splendide nuage

xxxxxEmporté par le vent !

C’est là qu’il a fait parfois le rêve romantique de suivre dans leur vol les oiseaux migrateurs :

Mais quand mon œil ému s’abaissait vers la terre,

Je disais, retrouvant des pas longtemps connus :
Terre de la patrie, ô sol où dort ma mère,

xxxxxJe ne te quitte plus !