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Hélas ! tu n’oses croire à tout ce que tu vois,
Mon cœur déshérité, fait à trop de misères!
Est-ce pour moi, mon Dieu, l'haleine des grands bois ?
Pour moi, toutes ces fleurs? Pour moi, ces primevères?

Je n’ose vous cueillir, fleur trop frêle, ma sœur ;
Embaumez ce vallon qui m’a rendu mon âme :
Car me voilà troublé devant votre douceur,
Comme un adolescent sous les yeux d’une femme.

Elle chante, pourtant, la Voix, la bonne voix :
« Je suscite les fleurs pour que tu les effeuilles;
Retrouve en leur baiser ton baiser d’autrefois,
Et ceins un front fiévreux de la fraîcheur des feuilles.

Cœur frère du matin, regarde le matin ! »
Et mon cœur trop ailé pleure ses vaines ailes :
« Merci d’avoir paré les berges du chemin ;
Mais que je me sens seul parmi ces fleurs nouvelles! »