mieux tromper ceux dont ils voulaient enlever les dépouilles. Ah ! Todjin[1], vous n’avez plus rien à craindre ! on grince des dents, mais il faut courber la tête et dévorer les affronts dont les lâches sont prodigues ; à votre insultante pitié on ne peut opposer qu’un visage mort en se déchirant la poitrine et en songeant aux temps où misérables, vous trembliez devant les hommes aux deux sabres ; vous saviez alors combien les lames en étaient tranchantes et aimaient à rougir.
Doucement la brise s’élève, elle fait bruire les bambous et roule les plaintifs accords d’un biwa[2] dont une jeune voix accompagne les notes tremblotantes ; c’est la chanson des Taïra[3] qui fait pleurer :
« En un jour, ils ont tout perdu !
« Tout : la fortune, les palais et les femmes aux grands yeux doux.
« Pendant vingt ans, vingt années, un instant ! ils ont dormi des songes de soie ; ils se sont réveillés dans les flots profonds de la sombre mer !