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bambous élancés. La grande boule pâle et morne tombe dans la nuit comme une tête que la main d’un formidable inconnu a lancée derrière les nuages. Le vieillard pense à Saïgo[1], mais il sait bien que le guerrier n’est pas caché dans ce grand cercle triste ; avant de l’y trouver, les yeux qui veulent le découvrir fondent et coulent. Le révolté est mort, bien mort, la terre dévorante l’a rongé ; il est mort et la chanson que chantent les femmes et les enfants, enveloppe son souvenir dans le voile de la légende et du passé. Qui donc, en entendant la fillette murmurer son refrain se souvient que l’homme caché dans la lune est le grand Saïgo ? Et pourtant ! ils ont tremblé ceux qui dorment aujourd’hui dans le calme mépris du passé ! le mort était terrible et son sang bien rouge, il voulait délivrer l’empereur des hommes à face de fantômes qui sont venus comme une bande de corbeaux obscurcir les rayons du soleil levant. Ils l’ont fait déclarer rebelle pour

  1. Saïgo. Ce général après la Révolution, suscita une révolte, il voulait rétablir le shogunat, sinon pour lui-même du moins en faveur d’une maison à laquelle il aurait imposé sa volonté ; battu par les troupes impériales, il fut tué dans un combat, mais beaucoup de gens dans le peuple pensent qu’il se réfugia dans la lune, où il attend une occasion pour revenir occuper dans son pays un rang élevé.