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cette mer profonde dont l’azur se trouble à mesure qu’elle s’avance en longs plis pour lécher le rivage. Des étrangers sont venus et ont tout profané ! Ah ! le vent peut bien secouer les branches légères et rougir le sol du sang embaumé des cerisiers, eux aussi n’ont plus à respirer longtemps la brise si douce qu’ils rendaient en gouttes brillantes ; les hommes dont le poil dur pend grotesquement le long des lèvres comme la barbe d’un namadzu[1] ce stupide et gluant poisson, leur font saigner leurs perles liquides et après les avoir entaillés, ils les arrachent et plantent à leur place les longues herbes de leur pays qui donnent la mort. Des Samuraï, honte immense, réduits au métier de porteurs, halettent péniblement sur les flancs du mont sacré, le dos courbé sous d’infâmes kagos[2] où se vautrent des femmes insolentes auxquelles obéissent les barbares !

Pour la dernière fois, Tanabé veut suivre des yeux la trace légère que profile la blanche lune en glissant au travers des

  1. Namadzu, poisson dont la gueule est ornée de deux barbillons, les caricaturistes modernes ont affublé les employés du gouvernement actuel du nom de namadzu parce qu’ils portent la moustache — avant la Révolution, on se rasait entièrement, seuls les gens d’un certain âge gardaient la barbe entière.
  2. Chaise à porteurs.