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attendre, qui s’ennuie de la joie et s’acharne à souffrir,
qui se fait un autre monde, ne pouvant supporter celui

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qu’elle ai|moit, et dont la dernière puissance est de
courir au néant ?
Cependant si le mouvement de la terre change, tout
l’homme périt ; si le soleil se couvre de ces vapeurs qui
déjà ont obscurci son disque, l’homme périt : si l’orbite
d’une comète inconnue coupe celui de la terre, l’homme
et la terre peuvent périr. Les globes le sauront-ils ? les
cieux seront-ils changés ? l’universalité de l’être en sera-t-elle
affoiblie ? Et s’il est d’autres espèces semblables sur
quelques points, dans l’espace, le savons-nous ? Si elles
périssent, en sommes-nous instruits ? Quand cent mille
Tatars égorgent cent mille Indous, les danses d’Europe
sont-elles interrompues ? Tout centre est un foyer d’action :
mais la puissance se perd sur un rayon trop prolongé. Le
monde de l’homme est borné : comment l’univers seroit-il
à lui ? L’existence de l’homme n’est connue qu’ici !




SEPTIÈME RÊVERIE

Nous
animons… …des mouvemens fortuits (B.
III, 31-34), sans que nos désirs les choisissent, sans que
notre volonté prétende les régler.
Effets nécessaires de tant de causes par lesquelles nous

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sommes causes aussi, nous ne devons sentir | notre
activité même que comme le résultat des impressions reçues
(Cf. thème, Ibid., 34-37). C’est notre force d’être entraînés,
c’est notre destination d’être portés par le torrent des
êtres. Modifiés alors… …et nous changer (Ibid., 37-