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sible. Non-seulement l’être ne nous est point | connu,
mais il ne peut être connu. Si même l’universalité des
choses s’aperçoit d’une manière une, si elle a le sentiment
individuel, il est impossible de concevoir qu’elle en
reçoive d’autres notions que celle de la situation respective
des parties et du jeu des accidens. L’essence ne peut
être pénétrée, le principe ne peut être manifesté [1].
Cette seule considération suffit contre l’hypothèse dans
laquelle on n’admet point de corps visibles ; car dans
cette hypothèse il faut aller plus loin. Les choses n’existant
qu’autant qu’elles sont connues, et le principe ou
l’essence ne pouvant l’être, tout se réduit au sentiment des
possibles : alors la pensée peut être admise, mais nul ne
pense ; il seroit possible que tout fût senti, mais il n’existe
rien, pas même un être qui sente
Il y a dans les abstractions un inconnu qui égare : peut-
être on ne découvrira jamais cela. Mais la métaphysique
la plus élevée aboutit au néant ; et puisque quelque chose
est, ne serions-nous pas entraînés par une de ces
inadvertances dont on est tout surpris quand une fois le hasard
les a fait connoître. Nous quittons l’instinct ; nous nous
précipitons dans des aperçus étonnans : mais il y a une
ligne ignorée que nous franchissons ; quand nous espérons

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arriver, nous ne saisissons rien, et il se | trouve que
nos raisonnemens ont été dignes d’un génie de Bedlam.
Tout système général… …prodige d’entêtement.
(Ob. LXXXI, 51-55).
Je dirai : Tout est nécessaire,… …les opérations.
(Ibid., 25-43).
  1. Ce qui est un ne peut être ni expliqué, ni conçu ; je ne vois pas
    même comment ce qui est seul pourroit se connoître ; et j’oserois
    presque affirmer que ce qui est un ne peut pas se sentir.