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l’admire encore, lorsque plus favorable à ceux d’entre nous
qui cèdent à leurs affections sans s’attacher à en juger le
principe, elle cherche dans l’invisible, l’expression séduisante
d’un caractère plus imposant à leurs yeux.
Écrivains généreux ! vous n’avez tous qu’une même
fonction, celle de soutenir les forces morales et le pouvoir
de la pensée contre les forces corporelles et les violences
de l’instinct passionné. Le gouvernement du monde est
partagé entre les lois physiques et les lois intellectuelles :
maintenez cet équilibre utile aux jouissances de
l’homme, et si nécessaire à la félicité des peuples.
Actuelle ou tardive, votre influence est certaine sur nos
destinées : quelles que soient jamais les ténèbres et
l’oppression des temps, elle sera puissante et inévitable.

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Pourquoi cette désunion, ces rivalités qui affoi|blissent
l’empire de la raison, ces haines qui semblent le déshonorer ?
Organes des vérités découvertes dans les forces naturelles
ou des vérités interprétées par la volonté d’une
Providence, vous n’exercez qu’un même ministère. De
quelque manière que l’on envisage la nécessité des principes,
ces principes sont analogues, et les conséquences
réelles en sont semblables. Soyez donc unis pour éclairer
et pacifier le cœur orageux et l’esprit incertain. Répandez
dans toutes les classes cette doctrine ennemie du
mensonge, que redoutent également les finesses de l’injustice
et les grossièretés de la sottise. Il n’est point de puissance
qui ramène les erreurs vraiment découvertes, les abus
vraiment connus, les excès détestés des cœurs. L’avenir
n’a point de moyens pour rendre une fécondité sinistre
aux germes qu’un tel pouvoir a brisés. L’imprimerie existe :
les siècles de barbarie ne renaîtront point (Cf. thème, Ibid.,
p. 166, n. 1, 35-36). Les violences humaines connoissent
maintenant des bornes : l’opinion, cette puissance de