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primitive, n’est qu’un vœu de la sagesse, et la philosophie
n’est autre chose que la recherche des principes que la
religion consacre. Tout est dans l’application faite à
l’homme des rapports moraux entre les êtres analogues
et sensibles. La nature maintient ces rapports immuables.
La philosophie les cherche dans l’homme qui doit les
suivre. La religion les rapporte à l’intelligence suprême
qui voulut les prescrire. Celle-ci nous entraîne par un
sentiment d’analogie avec le modèle inimitable dont il
faut nous rapprocher pour en mieux adorer les grandeurs ;
celle-là démontre à la raison les conséquences de notre
organisation, et comment nos penchans nécessaires doivent
être modifiés, pour produire l’ordre et le bonheur. Ce
sont les mêmes lois cherchées dans nous ou hors de nous,
mais toujours également pour nous. C’est le même résultat
promis au nom du ciel, ou découvert par la raison ;
c’est la même morale qu’on explique ; ce sont les mêmes
intérêts qui doivent la faire écouter. Les mêmes abus, les
mêmes passions, tantôt l’enveloppèrent dans les mystères
du dogme, tantôt la livrèrent aux disputes de la dialectique,
aux illusions de l’éloquence ; que nous importe par

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qui elle soit rendue à la lumière ? essentiellement utile
comme essentiellement vraie, soit que raisonnée seulement,
elle n’appartienne qu’à la philosophie, soit que sentie,
elle devienne quelquefois religieuse, la morale sera ce
que la fit l’ordre universel, dès lors qu’elle subsistera purement
religieuse et vraiment philosophique. Évitons la
manie des systêmes et la fureur des sectes, alors la morale
sera toujours vénérable. Le sage la préfère sans doute,
lorsqu’elle est simple dans son évidence, et lorsqu’elle
renonce aux plus séduisans prestiges, pour ne dicter que
des lois rigoureusement exactes, pour ne laisser aucun
prétexte de les méconnoître ou de les éluder ; mais il