Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 2.djvu/192

Cette page n’a pas encore été corrigée
tant ne s’y opposa pas toujours, et qui durant des siècles
de toute-puissance ne fit presque rien pour les arrêter, et
beaucoup pour en tirer parti.
Comment donc ose-t-on répéter tous les jours, dans

[345]

l’une des deux villes les plus éclairées du | monde, que
les crimes de la révolution furent l’ouvrage de la philosophie ?
Les révolutions de Rome et tant d’autres furent-
ellesmoins atroces ? Il n’y avoit point en France d’institutions
fixes ; il n’y avoit point de gouvernement réglé
pendant l’extrême rapidité des évènemens dans ces années
funèbres. La sagesse eût pu régner : l’étranger le craignit,
il envoya la mort qui n’en laissa pas le temps. La violence
des commotions politiques hâtée par l’or, et précipitée
par l’impatience du génie françois, incendia les ruines
qu’elle devoit ranimer. Si le crime la suivit, c’est que la
passion et le crime eurent seuls assez de promptitude dans
ces jours d’ivresse.
Il est d’une fausseté palpable que la révolution françoise
soit une épreuve de la philosophie, qu’elle nous en ait
montré les résultats, que les philosophes aient pu alors
ce qu’ils eussent voulu, et que dans cette tourmente ils
aient fait l’expérience de ce que leur autorité paisible
eût produit sur les peuples.
Il est également faux que la révolution ait montré a la
terre des crimes nouveaux. Des le commencement peut-
être, il n’y en eut plus de nouveaux : dès les premiers
temps connus, les nations se livrèrent à ce genre
d’enthousiasme qu’on voudroit maintenant susciter en elles ;
une louable ignorance les protégeoit contre la raison et
contre l’amour du bien.

[346]

L’on a honte de redire encore ce dont l’impar|tialité d’un
enfant sentiroit aussitôt la justesse : que les crimes de la
révolution n’eurent d’autre cause que les causes ordi-