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sans vous vers le but que vous ne changerez pas, et que
souvent vous ne comprendrez point.
Cessons d’exagérer la différence entre la doctrine des
sages et celle des chrétiens, et faisons grâce aux écrivains
de ces jours pervers où l’on ignoroit encore que tous les
talens périssent dès qu’on raisonne. En 1695, avant le
siècle odieux, D’Aguesseau disoit [1] « L’étude de la morale
et celle de l’éloquence sont nées en même temps ; et

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leur | union est aussi ancienne dans le monde que celle
de la pensée et de la parole. On ne séparoit point autrefois
deux sciences qui par leur nature sont inséparables ;
le philosophe et l’orateur possédoient en commun
l’empire de la sagesse… et l’on n’avait pas
encore imaginé… ce divorce funeste à l’éloquence,
de l’esprit et de la raison, des expressions et des sentimens,
de l’orateur et du philosophe. »
Quels sont les crimes de cette philosophie qu’on voudroit
proscrire ? Ceux qu’on lui reproche sont-ils bien
d’elle ? Si vous dites aux soutiens achetés par celui de tous
les partis qui a le mieux connu le pouvoir de l’argent ;
si vous leur dites que l’on reconnoît l’œuvre du christianisme
à ces excès barbares dont l’histoire n’a pu dissimuler
le fanatisme ; ils vous objecteront, et même avec raison,
que jamais celui qu’ils reconnoissent pour l’auteur du
christianisme, n’ordonna, ne conseilla ce que firent alors
les prêtres mais que les prêtres et leurs disciples ont des
foiblesses et des passions comme les autres hommes, et
que le vice seul abuse des lois que l’église ajoute aux indications
morales données par Jésus. Il ne seroit pas loyal,
selon eux, de reprocher ces désordres à l’église qui pour-
  1. De l’union de la Philosophie et de l’éloquence.