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siècles, dont les livres justement critiqués sont du dix-
septième, mais qui fit dans le dix-huitième les Mondes, et
surtout l’Histoire de l’Académie, Fontenelle sut, le premier,
traiter élégamment et purement des matières arides.
Cette extension nouvelle fut augmentée par Buffon. Des
chefs-d’œuvres dramatiques et d’autres morceaux
d’éloquence n’eussent point suffi pour rendre la langue
françoise vraiment universelle, il falloit qu’elle pût être aussi
la langue des sciences, et que la clarté qui lui est propre,
embellie par la facilité, par les ressources intarissables
qu’elle doit aux écrivains modernes, la rendît suffisante
pour tous les besoins. Cela seul pouvoit entraîner l’Europe
à la reconnoître pour la première langue vivante, et
à l’adopter comme partie essentielle de l’éducation même,
malgré l’éloignement de plusieurs peuples pour ce qui
peut rappeler la supériorité françoise.
Pour que cette langue, déjà immortalisée par les génies
du siècle de Louis, pût être admise dans l’étranger, pour
qu’elle pût se maintenir ici sans se corrompre, il falloit
encore qu’elle fût vraiment connue, que les principes en


 

    Le siècle de Louis XIV a-t-il un ouvrage philosophique à mettre à côté de l’Emile ? Et si le goût par excellence consiste à réunir l’utile à l’agréable, dans quel temps l’un a-t-il donné à l’antre plus d’attraits et plus d’influence ? Les sciences même les plus abstraites ne doivent-elles pas au goût cette facilité d’accès qui nous les rend familières, ce charme qui de leur étude nous a fait un amusement ? Le siècle de Louis XIV a-t-il entendu parler des lois avec une précision aussi énergique et aussi lumineuse que l’a fait Montesquieu ? de l’homme et de ses facultés intellectuelles, avec un intérêt plus doux, plus attrayant que Vauvenargues, avec une sagacité plus pénétrante qu’Helvétius, avec une clarté plus limpide que Condillac ? A-t-tl entendu parler de la Nature avec la verve, l’élégance et la majesté de Buffon ? des progrès de l’esprit humain dans les Sciences avec la supériorité de lumières et la noble simplicité d’élocution de D’Alembsrt ?…… Et quel est de ces écrivains celui qui pour la pureté du goût n’est pas digne d’être classiqae. »

    Marmontel, Essai sur le goût.