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bare ou de l’Éthiopien, le talent des Grecs fit l’homme

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plus beau que le | Grec lai-même, sans cesser de faire des
hommes.
Ainsi le siècle de Massillon, de d’Aguesseau, de Le
Sage, de Fontenelle, de d’Alembert, de Thomas, de
Crébillon, de Raynal, de Buffon, de Montesquieu, de
Jean-Jacques, ne seroit pas inférieur au siècle tant
célébré des Bourdaloue, des La Fontaine, des La Bruyère,
de Fénélon, de Bossuet, de Pascal, de Boileau, Corneille,
Racine et Molière.
Mais si la balance paroît indécise, un génie peut-être
plus étonnant que tout autre comme littérateur, a nourri
durant soixante ans l’espoir de la décider pour jamais.
S’il fût venu chez une nation moins féconde en grands
talens, il en eût seul immortalisé la langue… [1]
Je sais plusieurs hommes de mérite qui ne regardent
point du tout comme terminée la dispute sur la supériorité
de Voltaire ou de Racine dans la tragédie.
Si l’on accorde à ce dernier une grace plus particulière
dans le style, une élégance plus soutenue, beaucoup d’art
dans la conduite des pièces et dans l’emploi des moyens,

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on reconnoîtra dans Voltaire | une composition plus
variée, plus de caractères neufs ou hardiment conçus, une
connoissance plus grande des mœurs diverses, plus
d’idées généreuses ou profondes, et l’intention plus marquée
de rappeler des vérités utiles et d’instruire en intéressant
les loges, en amusant les galeries.
  1. On s’attache assez généralement à déprimer Voltaire ; c’est la mode de cette année. Il se peut que le sentiment d’une injustice poussée si loin m’ait aussi entraîné un peu par delà le vrai, dans ces réflexions dont le fond, du moins, me paroît incontestable. Au reste ces passages ont peu d’importance dans des fragmens qui eux-mêmes en ont très-peu, surtout en ce qui concerne la littérature.