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noître les arrêts de cette postérité que tous envisagent,
quoiqu’une barrière éternelle nous en sépare tous, la
gloire du dix-huitième siècle, aussi grande que la renommée
du siècle précédent, paroîtra même fondée sur des
avantages plus solides.
L’éloquence ou la beauté de l’expression prise dans un
sens étendu, ne fait que préparer l’impulsion que reçoit
l’esprit humain. Des pensées élevées, mais encore incertaines
ou vagues, et l’étude du cœur observé dans ses
résultats, ne sont en quelque sorte que les premiers pas
de cette impulsion. Mais l’impartialité dans les recher-|

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ches, l’exactitude dans les idées, une pensée plus savante
qu’ingénieuse, le cœur humain observé dans les élémens
nécessaires des sensations, dans les principes constans des
affections, voilà ce qui avance l’homme, ce qui influe sur
les institutions et sur toutes les parties de la prospérité
des sociétés et du sort des individus.
Par cette marche hardie, le genre humain se replace
enfin peut-être au point heureux et déjà tardif alors où il
arrivoit, dans les temps antérieurs à la crise désastreuse
qui le plongea dans l’ignorance, qui l’égara dans les folies
imbécilles, et qui ne laissa que des fragmens d’une doctrine
trop sublime pour la foule renaissante.
Tout est lié dans l’esprit humain : les diverses facultés qui
paroissent s’élever successivement, se développent pourtant
de concert. Lors même que notre idée n’est que la
perception d’un résultat unique, ce résultat devient le produit
de nombreux rapports dont nous ne pourrions concevoir
l’ensemble, si le sentiment confus de chacun d’eux
n’étoit pas dans nous. Toutes les parties d’une plante sont
préparées, nourries, fortifiées simultanément, quoique le
développement visible en soit successif, et que l’on puisse
distinguer la saison où les branches se prolongent, de