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forces arbitraires. Une seule chose est bonne ; c’est que le
règne de la douleur soit affoibli.
L’ordre ne consiste point à faire beaucoup, mais à faire
bien. L’ordre est découvert par le désir sans passion ; il
est reconnu par la raison sans enthousiasme ; on l’établit
par la fermeté et la modération ; on le maintient par
l’industrie exempte de rivalités, de recherche et de faste.
Ne t’arrête pas à l’espérance infructueuse du bonheur
personnel. Tes heures sont comptées ; il faut les passer
à souffrir : c’est la loi présente. Mais rends tes regrets
utiles : efforce-toi de ramener les générations vers ce
séjour de paix qu’elles ont méconnu dans leur course
précipitée, ingénieuse et déplorable.
Si tu sers à l’ordre primitif, que faut-il davantage ?
D’autres peut-être accompliront ce que tu auras pressenti.
Et quelque foible que puisse être le fruit de ton œuvre,
n’est-ce pas vivre que de tendre vers ce que l’on croit
bon ? La nature a voulu cela de toi, si elle ne t’a rien
montré de meilleur. Péris : mais en laissant un germe
indestructible. (Cf. thème, Ob. XXXIII, Manuel, 37-
124).