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le caractère et les facultés de chacun ; ce qu’il en laisse
subsister est déterminé d’avance, et regardé comme trop
foible pour n’être pas facilement subordonné à l’unité
de goûts et aux habitudes générales.
Les Hommes devenus ainsi tous semblables, sont considérés
comme des unités numériques : et comme il est
dans la nature que des choses semblables en principe
soient semblables en conséquence, égalité, justice, liberté,
consentement de tous, bonheur de tous, sont des lois
absolues de l’ordre social, des lois inviolables de l’ordre
naturel.
Quel est alors le but de l’association ? de produire la
somme la plus grande possible d’avantages également
répartis. Duclos l’a observé avec justesse, le meilleur des
gouvernemens n’est pas celui qui fait les hommes les plus
heureux, mais celui qui fait le plus grand nombre d’heureux.
Et quels sont ces avantages qui forment évidemment
le but de l’association, ou sans lesquels, bien qu’elle
subsiste en apparence, elle est dissoute de droit ? Quelles
sont ces conséquences du titre inviolable, ces résultats de
la loi absolue ? Quels sont ces produits de l’ordre sans
lesquels toute société sous quelque forme qu’elle affecte,
licencieuse ou docile, industrieuse ou sauvage, démocratique

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ou autocratique, | n’est également qu’un amas
impur de discordances cachées, qu’une arène secrète de
brigandage et de perfidie ?
Sainte vérité ! Préférerai-je aux besoins de la raison
durable, les appétits des passions accidentelles ? Parce que
nos habitudes nous ont subjugués tous, dois-je me laisser
séduire par les miennes ? et parce que le temps a consacré
des prestiges, dois-je les vénérer ? Dirai-je que les
arts brillans et les sciences avancées, que les monumens
qui se transmettent aux générations, que le faste des