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soient arbitraires dans le principe. Car avant les lois
expresses de tel ou tel ordre social, il y a les lois
éternelles de l’ordre social quelconque. De tout temps, il n’y
avoit qu’une seule ouverture d’angle qui pût donner un
triangle équilatéral ; de tout temps, il n’y avoit qu’une
manière fondamentale d’organiser une cité. La justice est
nécessaire entre les hommes rapprochés : mais il se pourroit
qu’il n’y eût que quelques hommes sur la terre, et
qu’ils existassent sans être rapprochés. |

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Tout est bon dans la nature, parce que la nature
contenant tout, emploie tout.
Tout est indifférent dans la nature, parce que la nature
étant seule, n’est en rapport avec rien d’extérieur.
Tout est beau dans la nature. Comme elle est entière,
elle est toujours une ; comme elle est une, elle est
toujours symétrique comme elle existe essentiellement,
elle remplit sa fin qui est de subsister.
Mais l’homme étant limité, tout n’est pas bon en lui,
tout n’est pas bon pour lui.
L’homme étant soumis à l’influence des autres êtres et
à des rapports avec d’autres hommes, rien ne lui est
indifférent.
Comme il faut qu’il se propose une fin personnelle, et
que cette fin soit d’accord avec la fin générale du corps
dont il est membre, tout n’est pas beau en lui ni pour lui.
Ainsi il n’y a point de moralité de la nature, car avec
quoi la nature seroit-elle en rapport ? Mais la moralité de
l’homme est éternelle comme la nature ; car si l’homme
est séparé des autres hommes, il est en rapport avec les
choses, et de ces rapports il résulte des lois difficiles à
bien entendre, mais que ses affections lui indiquent
suffisamment et si les hommes se réunissent, ils sont en
rapport entre eux, selon des lois que la convention pour-