Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 2.djvu/115

Cette page n’a pas encore été corrigée
péché. Ainsi Dieu et l’homme sont semblables ; mais
l’homme et le lion diffèrent essentiellement ! Le lion
raisonneroit moins impertinement s’il disoit : J’ai de longs
cheveux comme l’homme et comme les représentations de
l’Eternel que font les peintres humains, donc je ressemble
beaucoup plus à l’Eternel et à l’homme qu’à ma compagne
la lionne qui n’est qu’une brute à poil court.
Le lion n’est point criminel lorsqu’il dévore sa proie.
Les crimes de l’homme et ses penchans vicieux peuvent
être indifférens dans la nature. Comme nous ignorons ce
qu’est l’homme dans l’universalité des choses, nous ignorons
quelles sont ses lois dans ce rapport, nous ne pouvons
les conjecturer que d’après les indications qui sont
en lui, nous ne pouvons lui en reconnoître d’autres que
ses appétits. |

[247]

Mais nous pouvons avoir des notions suffisantes et
certaines de l’ordre social, et surtout d’une forme sociale
particulière. Les rapports sont alors circonscrits et
visibles ; la fin est connue ; tout est susceptible de
démonstration. Ici vous pouvez atteindre à tout : mesurez alors ;
vous avez la règle éternelle, l’Equité. Ici le mal ou le bien
existeront : car il y aura justesse et erreur.
Il n’importe ni au maintien du corps politique, ni à la
sainteté du devoir parmi les hommes, que les lois morales
nous soient directement prescrites. On demande si ces
lois sont dans la nature ; mais cette question est oiseuse :
partout où l’ordre social existe, ces lois sont certainement
dans la nature, puisqu’elles résultent nécessairement de
l’ordre social. Ces lois sont naturelles, soit qu’elles
commandent à l’homme parce qu’elles sont dans le cœur de
chacun, soit qu’elles lui commandent non moins
impérieusement parce qu’elles sont une suite de la nature des
choses. Il n’en faut point conclure que les lois convenues