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et comme une fraction de la seule chose qui existe,

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puisque notre pensée, | disois-je, ne peut retrancher de
ces combinaisons ce que nous appelons la douleur,
apparemment la douleur est inséparable de toute série
particulière des notions des choses. Donc point de possibles
sans mal individuel. L’ensemble seul est bon ; toute partie
est imparfaite, parce que ce n’est point un tout. Là où
est la borne, là est l’interruption : c’est une sorte de
désordre, que l’ordre cesse. Il n’y a point de mal réel ; mais
le bien manque, et c’est un mal pour nous. Nous ne
sommes malheureux que parce que nous ne sommes pas
infinis.
Mais que le monde soit ou ne soit point dans le sens
vulgaire, qu’il soit effectué comme il est connu, ou qu’il
soit connu parce qu’il est possible, nous ne pouvons point
affirmer qu’il contienne du mal. Nous n’y voyons que le
mal individuel ; et nous pouvons admettre sans invraisemblance,
que de ce mal individuel il ne résulte aucune
imperfection du tout. Si l’on applique ici ce principe physique,
que ce qui est dans la partie est aussi dans le tout,
il me semble qu’on en fait une fausse application. Car il
s’agit de rapports abstraits ; et ces rapports en passant de la
partie au tout, peuvent changer essentiellement de nature.
Si par exemple, il résulte de ce mal personnel, le bien
personnel d’un autre, et de ce bien, un autre mal, et ainsi pour
ainsi dire jusqu’à l’infini, mais de telle manière que dans
la somme de tous ces effets le bien l’emporte sur le mal ;

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les sommes égales s’étant | détruites l’une l’autre, ce qui
reste doit seul être compté, et puisque cet excédant est
du côté du bien, le tout qui résulte d’une multitude infinie
d’excédans semblables peut être considéré comme
essentiellement bon. Nous voudrions qu’il fût bon
relativement, comme il l’est absolument ; nous voudrions que